Historique de la CNT-F page 2

II. L’isolement de la C.N.T. (années 1950-1973)

Au cours des années 50, l’organisation s’isole et se marginalise de plus en plus. Elle devient une section française de la C.N.T. espagnole en même temps que se manifeste la solidarité avec les Espagnols dans la lutte anti-franquiste. Réduite à un simple noyau de militants, les évènements de mai 1968 mettent fin à ce que l’on pourrait désigner comme la première C.N.T.

 

1- Comment l’isolement conduit au sectarisme !

 

Si la C.N.T. a connu une activité syndicale de 1946 à 1950, son positionnement par rapport au Cartel d’unité d’action syndicaliste la conduit à s’isoler du mouvement syndical mais également du mouvement libertaire. Par rapport à l’enthousiasme et à l’euphorie qui se dégageaient les trois premières années, la situation en 1950 semble plus calme, voire sur le déclin. Le congrès de 1950 marque la fin d’une période d’espoir pour les anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires, en dévoilant notamment ce qu’est devenue l’organisation. Nous reproduisons ici un extrait du rapport moral présenté par la C.A. lors du congrès : “Le manque d’organisation est un mal chronique dont souffre notre mouvement. Le plus souvent, les organismes, à part quelques exceptions, méconnaissent le fédéralisme, agissent sur l’initiative de un ou de quelques camarades. Ceci provient, d’une part, du niveau médiocre de culture syndicaliste des adhérents, d’autre part, du désintéressement de ces derniers envers l’organisation. Cette situation amène des déviations organisationnelles qui se traduisent par l’implantation de méthodes de travail centralisées et un étiolement des organismes de base. Il faut noter que si les syndiqués se tiennent à l’écart de la vie syndicale, c’est que le plus souvent les syndicats ont peu d’activité. Le travail syndical se fait généralement à la petite semaine, sans perspective [...]. Or il ne semble pas [...] que toutes les fédérations constituées aient assumé le rôle de coordination et de liaison qui leur est dévolu. Ceci tient à ce que les syndicats se sont abstenus de répondre aux appels qui leur étaient adressés par les fédérations ou qu’ils aient méconnu l’importance de ces dernières comme élément d’agitation revendicative sur le plan national”.

 

Ce bilan négatif met en lumière les problèmes d’organisation et de structure. Les difficultés et l’inactivité que connaît la C.N.T. sont celles que peut rencontrer une petite organisation lorsque le climat social reste stable. Si la C.N.T. a pu connaître un succès et un dynamisme en 1947 et 1948, c’est parce que le climat social le permettait alors. Les mobilisations collectives permettent en effet à l’organisation de se montrer et d’avancer ses mots d’ordres. La visibilité est un facteur de développement de l’organisation. Ainsi, dans la mesure où les adhésions à la C.N.T. ne se réalisaient pas sur des bases idéologiques, avec le reflux du mouvement social qui s’opère au début des années cinquante (malgré la grève de 1953), la confédération perd de nombreux adhérents.

 

En 1954, les effectifs de la C.N.T. auraient baissé de plus de 40% par rapport à 1947 . L’irrégularité de la parution du Combat Syndicaliste et la disparition des organes fédéraux traduisent cet affaiblissement. Le contenu du Combat syndicaliste laisse transparaître la quasi-inactivité des syndicats. Les articles sont le plus souvent théoriques, se consacrant à l’anarchisme et au syndicalisme révolutionnaire ou dénonçant les grandes centrales, mais ne proposant rien sur ses propres activités. A partir de 1952, toujours à travers la lecture du journal, la C.N.T. paraît totalement vidée. Sur quatre pages, une est consacrée aux adresses et à la librairie, une deuxième est une tribune libre. A cela il faut ajouter les communiqués de la C.N.T. espagnole, du S.I.A. (Solidarité Internationale Antifasciste) et les nombreux articles consacrés à l’actualité des sections de l’A.I.T.

 

Alors que l’organisation connaît un affaiblissement, elle s’enracine dans des querelles idéologiques, point faible de la C.N.T. Au congrès de 1954, le problème de l’identification de la C.N.T. à l’anarchisme est reposé. En effet, la tendance syndicaliste révolutionnaire regroupée entre autres autour de Aimé Capelle s’oppose à l’influence anarchiste qui représenterait un danger pour l’organisation. En réponse à ce dernier, le délégué du syndicat des employés de Paris déclare qu’“il est à remarquer que les camarades qui se dressent contre l’influence anarchiste sont ceux-là mêmes qui tendent à orienter notre confédération vers le réformisme [...]”. Ces querelles intestines finissent par vider la C.N.T. qui devient alors de plus en plus sectaire et dogmatique.

 

Ce dogmatisme se manifeste en 1957, année pendant laquelle la C.N.T. connaît une nouvelle crise. Le conflit concerne les principaux responsables de la C.A., Raymond Fauchois et Yves Prigent, et des militants de la 2ème U.R. (région parisienne). Le syndicat S.U.B. de la 2ème U.R., dont le secrétaire est Yves Prigent, avait demandé la tenue d’“un congrès extraordinaire de la C.N.T., qui sera appelé à statuer sur l’exclusion d’éléments de syndicats qui se sont mis eux-mêmes en marge de l’organisation (P.T.T., S.I.M., bois, livre). D’autre part, le S.U.B. demande que soit évincé de la C.N.T. tout individu adhérent de l’Union des Syndicalistes, et de toute organisation politique [...]”.

 

Il s’agit en réalité d’exclure la tendance syndicaliste révolutionnaire. Il était reproché aux adhérents de cette tendance, à savoir Yvernel, Marchetti, Malfatti, Capelle et Riguidel de participer à l’Union Syndicaliste dont l’organe était la Révolution prolétarienne et d’avoir renié l’A.I.T. Or si la participation à l’Union Syndicaliste ne s’inscrit pas dans la ligne politique de la C.A. dirigée par Fauchois, Prigent et Ibanez, elle ne pose en revanche aucun problème statutaire ou idéologique, excepté pour les responsables confédéraux qui affirmaient que la C.N.T. ne devait regrouper que des anarcho-syndicalistes.

 

Ce rejet du groupe de l’Union syndicaliste traduit l’esprit de la C.N.T. à cette époque. Elle se présente comme la seule voie de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. Dans ce sens, tous les membres de l’Union syndicaliste qui se réclament du syndicalisme révolutionnaire mais qui adhèrent aux grandes centrales font le jeu du réformisme. Lors de ce congrès extraordinaire tenu à Poitiers les 27 et 28 avril 1957, les adhérents Yvernel, Velfond pour le S.I.M., Malfatti et Deck pour le syndicat du bois, Bonneau et Martin pour le syndicat des P.T.T., Riguidel et Bouzigout du S.U.B., Eckermann du syndicat des employés et enfin, Aimé Capelle et Marchetti du syndicat du livre ont été exclus de la CNT. L’exclusion de ces militants dont certains avaient été membres de la C.A. après le 4ème congrès de 1950, a eu pour conséquence de vider la 2ème U.R. L’épuration, car c’est bien de cela qu’il s’agit, avait déjà commencé après le 6ème congrès confédéral de 1954 avec l’exclusion ou le départ par lassitude des membres de la C.A. élue à ce congrès. Ainsi, avant ce congrès extraordinaire d’avril 1957, n’étaient déjà plus adhérents à la C.N.T. les responsables confédéraux élus au 6ème congrès, à savoir Armonia Munoz (administratrice du Combat Syndicaliste), Emile Akoun (secrétaire à la propagande), Henri Bouyé (secrétaire aux relations internationales) et André Maille (trésorier).

 

Les exclusions qui ont été décidées lors de ce congrès extraordinaire  ne font qu’accentuer l’état critique dans lequel est plongée la C.N.T. Avant ces exclusions, le bulletin de la 2ème U.R. daté du 10 janvier 1957 montre déjà l’état déplorable de l’organisation : “[...] la déchéance graduelle de la C.N.T., que tout le monde constate en nous imputant les causes, est le résultat de multiples facteurs :

 

a) l’organisation : la plupart des syndicats sont inactifs par manque de militants ; les adhérents cotisent irrégulièrement, provoquant des retards dans les trésoreries syndicales et régionales ; pour beaucoup de militants, le travail syndical consiste à cultiver l’idéologie tout en s’abstenant d’un travail plus pratique (distribution de tracts, collage d’affiches lorsque l’occasion s’en présente) ; la plupart des syndiqués étant des vieux adhérents, le renouvellement par des jeunes est trop lent pour provoquer un rajeunissement de la C.N.T. ; des jeunes sont venus : ils sont partis, préférant rejoindre des organisations plus représentatives.

 

b) des rapports régionaux et confédéraux : un désaccord sur les méthodes d’action entre les militants régionaux et confédéraux (entretenu par le sectarisme de Fauchois-Prigent pour monopoliser l’organisation et imposer leur tutelle) n’a fait que déchoir celle-ci en provoquant l’élimination progressive de bons éléments en désaccord avec les directives du tandem. [...]”.

 

Cet extrait pose bien le problème que connaît la C.N.T. dans les années cinquante. L’inactivité de la C.N.T. rend difficile le recrutement de nouveaux adhérents. Malgré cela, l’organisation se permet d’exclure des militants dont certains - tels que Aimé Capelle - ont contribué à la création de la C.N.T. Ainsi, presque toute la génération qui avait participé à la C.G.T.S.R., à l’U.A. ou à la F.A.F., puis qui avait créé la C.N.T. en 1946, n’y milite plus.

 

Ce sectarisme, qui conduit à l’autodestruction de l’organisation, se poursuit cependant dans les années qui suivent. Il suffit pour s’en rendre compte de lire le compte-rendu du neuvième congrès confédéral tenu à paris les 4, 5 et 6 juin 1960. En effet, plusieurs syndicats déclarent qu’“il faut veiller au choix du recrutement”, “que la sélection doit être faite pour éviter l’action néfaste des réformistes et des soi-disant révolutionnaires”. La conclusion du secrétaire confédéral, B. Gonzalbo, va dans le même sens : “Nous n’atteindrons notre but que par la lutte des classes et le danger de noyautage et d’absorption justifie la sélection”.

 

Seule la C.N.T. de Toulouse échappe à ce sectarisme en affirmant que quiconque peut adhérer à la C.N.T. L’U.L. de Toulouse s’était d’ailleurs prononcée contre les exclusions de 1957.

 

Le sectarisme et le dogmatisme qui se développent au sein de la C.N.T. se manifestent également à l’égard des organisations libertaires. A ce même congrès est votée une résolution qui, si elle se veut conciliante, ne peut que rebuter ces organisations :

“Après avoir étudié le point sur les relations avec les organisations affinitaires, notre IXème congrès désire que des relations amicales étroites existent [...] entre la C.N.T., la F.A.F., le G.A.A.R. et les amis de Sébastien Faure mais tient à indiquer, pour éviter toute équivoque qu’il ne peut concevoir que ces affinitaires nous ignorent, appartiennent à des confédérations réformistes politisées, pactisent avec des partis politiques quels qu’ils soient et, circonstanciellement, avec des organisations qui nous sont nettement hostiles et luttent contre nous. La C.N.T. exigera en cas d’accord avec les affinitaires : 1) Leur adhésion individuelle à la C.N.T.[...]”.

 

S’il est vrai que les organisations libertaires et plus particulièrement la F.A. sont hostiles à la C.N.T., cette résolution exprime l’idée selon laquelle les anarchistes doivent s’organiser au sein de la C.N.T. Elle ne peut concevoir l’organisation des libertaires au sein d’autres organisations, et encore moins au sein des grandes centrales. Les anarchistes organisés au sein des grandes centrales sont accusés à ce titre de faire le jeu du réformisme. La volonté que ces anarchistes adhèrent à la C.NT. ne peut que renforcer leur hostilité et provoquer sa marginalisation par rapport au mouvement libertaire. L’hostilité du mouvement anarchiste à l’égard de la C.N.T. s’explique aussi par un anti-syndicalisme développé et théorisé par ces organisations . Néanmoins, la C.N.T. semble proche de l’A.O.A. (Alliance Ouvrière Anarchiste) constituée le 25 novembre 1956 par d’anciens membres de l’Entente anarchiste, et principalement par Raymond Beaulaton qui, rappelons le, avait été exclu de la C.N.T. en 1950. Plusieurs militants de la C.N.T. adhèrent à l’A.O.A. C’est notamment le cas de André Sénez et de Yves Biget. Dans le Maine-et-loire et l’Indre-et-Loire, Sénez et Biget avaient constitué en novembre 1966 un “comité de coordination anarcho-syndicaliste et anarchiste de l’ouest”. Ce comité publia La lettre syndicaliste révolutionnaire de l’ouest  dont le premier numéro sort en janvier 1967. La rédaction de cette lettre était confiée à Yves Biget et la rédaction à André Sénez. Mais ce comité n’est rien d’autre qu’une initiative commune entre des militants de la C.N.T. et de l’A.O.A. Son objectif semble même de créer une section C.N.T. dans cette région. Dans le Combat syndicaliste du 8 décembre, il est écrit : “Les travailleurs intéressés par la formation de sections syndicales C.N.T. dans la Sarthe, Loir-et-Cher et Maine-et-Loire doivent s’adresser au camarade Sénez”. Dans le numéro du 5 janvier, l’objectif est très clair puisque ce comité ne reconnaît “qu’un seul syndicalisme : celui développé par la C.N.T.”. Ce comité donna d’ailleurs lieu à la création d’une U.R. (Sarthe, Loir-et-Cher et Indre-et-Loire). Cette initiative fut certainement la principale activité de la C.N.T. dans les années soixante. C’est dire le dynamisme de l’organisation pendant cette période ! Les liens entre la C.N.T. et l’A.O.A. se manifestent aussi dans le Combat syndicaliste du 9 mai 1968 où Beaulaton encourage la C.N.T. tout en souhaitant que les deux organisations restent indépendantes. Si l’isolement de la C.N.T. par rapport au mouvement libertaire est un fait, il n’en est rien en ce qui concerne ses relations avec l’A.O.A. Ces liens ne modifient cependant en rien le caractère dogmatique de l’organisation qui ne peut que la paralyser.

 

En effet, s’étant inscrit dans un tel sectarisme, la C.N.T. ne pu se développer, et s’enfonça dans un état groupusculaire. Cet état explique la quasi-inactivité de la C.N.T. lors du "coup d’État" du Général De Gaule en 1958, ou même avant, dès le début de la guerre d’Algérie. Les rares apparitions de la C.N.T. dans le cadre de la lutte anti-coloniale s’apparentèrent plus à de la figuration. Elle participa à un Comité de coordination libertaire. Ce comité avait été créé sur l’initiative du G.A.A.R. (Groupes Anarchistes d’Action Révolutionnaire) en mai 1958 à l’occasion du “putsch gaulliste”. Ce comité regroupait outre la C.N.T. et le G.A.A.R., la F.A. et les Jeunes Libertaires. Ce comité se transforma par la suite en Comité d’Action Révolutionnaire auquel participaient en plus des organisations libertaires, le P.C.I. (Parti Communiste Internationaliste dirigé par Pierre Lambert) avec le C.L.A.D.O., Socialisme ou Barbarie, Pouvoir Ouvrier, École Émancipée... Il est certain que la C.N.T. a joué un rôle passif dans ce comité dans la mesure où le Combat Syndicaliste ne relaye aucune information ou communiqué sur ce comité. La guerre d’Algérie et plus largement l’anti-colonialisme ne semblent pas avoir été un objectif de lutte de la C.N.T. Est-ce son état groupusculaire qui explique ce peu de mobilisation ou bien tout simplement un refus de se positionner par rapport au M.N.A. de Messali Hadj et au F.L.N. ? En effet, si elle condamne le régime colonialiste français et par conséquent la guerre d’Algérie, elle ne soutient pour autant ni le M.N.A., ni le F.L.N. : “Nous ne faisons pour l’instant que constater et ne voulons prendre position pour ou contre la nouvelle résistance établie que quand celle-ci manifestera son intention de lutte pour une véritable émancipation de tous les travailleurs”.

 

En revanche, la C.N.T. se mobilisa d’avantage contre l’O.A.S. A Toulouse, en 1962, la C.N.T. participa au Comité de défense démocratique et républicaine anti-O.A.S. de la Haute-Garonne. Cette participation à ce comité est assez surprenante puisque l’on trouve à ses côtés la S.F.I.O., la C.G.T., F.O., l’U.D.S.R. et le M.R.P. Ceci peut s’expliquer par le fait que les membres de l’O.A.S. trouvaient refuge en Espagne franquiste. Cette participation s’inscrirait donc plutôt dans la continuité de la lutte anti-franquiste. C’est en effet vers la lutte anti-franquiste que, depuis la fin des années cinquante, la C.N.T. s’est tournée, soit par obligation pour continuer à exister, soit par esprit de solidarité.

 

2- La C.N.T. : section française de la C.N.T. espagnole

 

Ce point pose la question du poids des espagnols en exil en France au sein de la C.N.T. française, difficile à évaluer. Dans les cahiers de réunion de 1946 de la C.N.T.F. de Toulouse est inscrite la proposition que l’on parle espagnol aux réunions, ce qui démontre une forte influence. A l’inverse, dans une circulaire de la 6ème U.R. (sud-ouest) signée Joseph Vincent (94), il est demandé que les membres de la C.N.T.E. en exil adhèrent à la C.N.T.F. A Toulouse, les responsables de la C.N.T.F. sont tous d’origine espagnole. Cependant tous les immigrés espagnols n’adhèrent pas à la C.N.T.E. en exil. Des exilés de la "retirada" en 1939, mais surtout ceux qui ont quitté l’Espagne au moment de la dictature de Primo de Riveira, adhéraient à la C.N.T.F. Pour les Espagnols de la C.N.T.E. en exil qui adhéraient à la C.N.T.F., cela se réduisait surtout à payer une cotisation symbolique. C’est pourquoi elle ne participa pas, ou très peu, à la construction et au développement de la C.N.T.F.

 

Il est important de revenir brièvement sur l’histoire des cénétistes espagnols. On ne peut en effet faire l’histoire de la C.N.T.F. sans évoquer celle de la C.N.T.E., tant elles sont liées entre 1961 et 1975. A la fin de la seconde guerre mondiale, les cénétistes espagnols qui avaient, pour certains, participé à la Résistance en France, principalement dans le Sud-ouest, pensaient poursuivre ce mouvement de résistance en Espagne, dans la lutte contre le régime de Franco. Pour eux, la guerre d’Espagne n’était pas finie. Malgré le désarmement des groupes de résistants qui s’opère en France en 1945, les Espagnols conservent leurs armes et constituent des maquis de l’autre côté des Pyrénées. Cette guérilla anti-franquiste se poursuit jusqu’à ce que les franquistes liquident ces maquis dans les années cinquante. Cette résistance armée ne concerna cependant que la C.N.T. de l’intérieur qui avait intégré l’“ Alliance nationale des forces démocratiques”.

 

La C.N.T.E. en exil se tourna quant à elle vers l’action directe. Elle soutint en effet les différentes actions terroristes et de propagandes contre le régime franquiste sur le territoire espagnol. Le siège de la C.N.T.E. en exil situé à Toulouse au 4, rue de Belfort était alors présenté par le régime franquiste comme l’“école de terroristes anarchistes”. Mais du fait de la répression, la C.N.T.E. en exil cessa l’action directe en 1953.

 

Les autres activités de la C.N.T.E. en exil, en France, consistaient le plus souvent à organiser des meetings, à l’occasion du 1er mai ou du 19 juillet. Ces meetings étaient souvent organisés avec la C.N.T.F., mais aussi avec le S.I.A. (Solidarité Internationale Antifasciste) qui se confond d’ailleurs très souvent avec la C.N.T.E. en exil. Ces meetings étaient surtout l’occasion pour les espagnols de se retrouver : ils pouvaient rassembler entre quatre et cinq mille personnes. Elle publiait également deux hebdomadaires : CNT à Toulouse et Solidaridad obrera (solidarité ouvrière) à Paris. Mais, fin 1961, dans le cadre des relations diplomatiques avec l’Espagne, le gouvernement gaulliste interdit les deux organes. La C.N.T.F. met alors à la disposition des exilés à Paris son journal, le Combat Syndicaliste, qu’elle publie avec difficulté. Le Combat syndicaliste devient hebdomadaire, mais ne comptant qu’une page sur quatre en français pour éviter la censure, le journal demeure quasiment invendable et la C.N.T. parvient mal à diffuser ses idées anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires. La C.N.T.F. perdit alors complètement le contrôle du journal. En effet, si le Combat syndicaliste était officiellement l’organe de la C.N.T.F., il était entièrement financé et administré par les Espagnols. A l’inverse, à Toulouse, la C.N.T.E. fonde l’hebdomadaire Espoir en collaboration avec la C.N.T.F. Espoir était officiellement l’“organe de la 6ème U.R.”. Ce journal dispose de deux pages en français sur huit. Mais ces deux pages sont le plus souvent consacrées à la question ibérique. Espoir était administré par Fédérica Montsény et Germinal Esgléas, les deux leaders de la C.N.T.E. en exil. Dans le Combat syndicaliste, il est écrit : “[...] Dans l’actuelle décadence de la C.N.T. française, nous exilés espagnols de la C.N.T. et de l’anarchisme ibérique, ne sommes pas exempts de toute responsabilité. Nous avons le devoir moral d’appuyer nos camarades de la C.N.T. française à tout moment. La fortifier, c’est nous aider nous-mêmes [...]. Pour la C.N.T. française, la façon la plus effective, c’est de s’affilier à elle. 500, 1000 affiliés en plus, seraient pour elle en ce moment, un précieux concours. N’hésitons pas camarades. [...]”. En revanche dans Espoir l’explication est toute autre, puisque c’est la C.N.T.F. qui se montre solidaire avec la C.N.T.E. : “[...] Fidèles à notre sentiment de solidarité envers tous ceux qui sont exploités, envers tous nos camarades d’idéologie, nous ouvrons ces pages à ceux qui en ont le plus besoin en ce moment : nos camarades espagnols, réfugiés en France, privés de tout moyen d’expression.[...] "Espoir" veut être, aussi, ce que son nom indique : l’espoir d’un retour prochain à une Espagne libérée [...].”. Si donner son organe confédéral se veut un signe de solidarité, cela révèle aussi la faiblesse de l’organisation.

 

Cependant, à partir de la fin des années soixante et jusqu’à la mort de Franco en 1975, la solidarité avec les Espagnols revêt une nouvelle forme, puisque certains militants de la C.N.T.F. s’engagent physiquement dans la lutte anti-franquiste. De 1968 à 1975, la C.N.T.E. de l’intérieur et plus exactement la F.A.I. (Fédération Anarchiste Ibérique), qui sont donc clandestines, constituent un réseau en France avec des français de la C.N.T.F. ayant des origines espagnoles, afin de renforcer la structure clandestine en Espagne.

 

Ce réseau était surtout actif dans le Sud-ouest. Profitant de l’expérience de quarante années de clandestinité, les responsables de la C.N.T.E. et de la F.A.I. faisaient en sorte que chaque personne qui participait à une action connaisse le moins possible les autres militants impliqués. Pour une action, un militant n’était en contact qu’avec deux ou trois personnes. Il s’agissait le plus souvent de passer de l’argent, du matériel de propagande, des papiers confédéraux et internationaux. En d’autres termes, ils faisaient les porteurs de valises. La région du Sud-ouest servant de base arrière, l’hébergement des espagnols clandestins était également fréquent. Plus rarement, les militants français étaient chargés de passer des armes ou de séjourner quelque mois en Espagne pour renforcer un syndicat. Ces actions clandestines ne concernaient cependant que très peu de militants français. Elles prennent fin en 1975 avec la mort de Franco, à partir de laquelle les deux C.N.T. deviennent totalement indépendantes.

 

Si la solidarité avec les Espagnols était légitime, elle a certainement détourné la C.N.T. de son premier objectif, le développement du syndicalisme. Le sectarisme de la C.N.T. qui s’est traduit par des exclusions mais aussi par des départs, auquel il faut ajouter la lutte anti-franquiste, ont eu pour résultat de transformer l’organisation en coquille vide. Comme exemple de ce laminage qu’a connu la C.N.T. dans les années cinquante et soixante, les effectifs du S.U.B. de Lyon n’ont cessé de décroître de témoigne de 1948 à 1960 de 137 à 4.

 

Si la C.N.T. perd sa base syndicale, elle voit également dans les années soixante son noyau de militants rétrécir. En effet, en 1964, l’U.L. de Lyon ne compte que 22 adhérents. Ces effectifs décroissent à 14 en 1965, 8 en 1966 pour enfin tomber à 3 en 1967. La C.N.T. de Lyon, à la veille de mai 68 n’a donc ni syndicat, ni base militante. La situation lyonnaise n’est pas une exception, elle peut être généralisée à la C.N.T. tout entière. A Toulouse, on ne compte que 3 adhérents et une vingtaine à Paris.

 

La C.N.T. n’est donc plus une centrale syndicale, mais un groupe de quelques militants qui restent fidèles à une certaine pureté anarcho-syndicaliste. Ainsi, à la veille de mai 1968, la C.N.T. est complètement résiduelle et, condamnée à rester dans l’expectative, elle ne peut évidemment pas peser sur les évènements.

 

3- Les impacts de mai 68 sur la C.N.T. : fin de la première C.N.T. (1968 - 1973)

 

A la veille de mai 1968, la C.N.T. ne dispose d’un noyau de militants que dans quelques villes : Paris, Toulouse, Perpignan, Bordeaux, Lyon et Marseille. Dans d’autres villes elle existe, mais ne présente qu’un ou deux militants isolés et n’a donc aucune consistance. Le nombre d’adhérents est de quelques dizaines  sur l’ensemble de la France. Elle n’a donc aucune activité réelle -sinon la participation aux manifestations- et se limite à observer et analyser les évènements.

 

a) Point de vue de la C.N.T. sur les évènements 

 

A Paris et à Marseille, il existait avant les évènements de mai un groupe de jeunes qui avaient constitué les J.S.R. (Jeunesses Syndicalistes Révolutionnaires). Ces jeunes, bien qu’ils redonnent une dynamique à la C.N.T., trouvent l’hostilité des vieux militants, le plus souvent d’origine espagnole et tournés vers l’anti-franquisme. Or les J.S.R. désirent réorienter la C.N.T. vers le syndicalisme. Constituées d’étudiants mais aussi de jeunes travailleurs, elles mettent en avant leur position de classe. En janvier 1968, les J.S.R. éditent un numéro spécial du Combat syndicaliste intitulé “Les jeunes face à la société néo-capitaliste” : “[...] Ceci dit, il apparaît qu’à l’heure actuelle les seuls individus pouvant poursuivre dans des conditions valables leurs études sont les représentants - jeunes, bien sûr, mais représentants tout de même- d’une seule classe : la bourgeoisie. [...]. Mais direz-vous, il y a tout de même au sein de l’université ces quelques fils d’ouvriers et d’employés ainsi qu’un certain nombre d’étudiants salariés, et c’est pour eux que nous devons éviter la sélection et le contrôle d’assiduité. Bien sûr, ils existent. Mais qui sont-ils ? Une minorité d’individus qui s’accrochent, qui cherchent, en dernière analyse, à "resquiller", à monter dans un wagon marqué "réservé", à grimper dans la pyramide sociale, à passer d’une classe dans l’autre et, bien souvent, à renier leurs origines prolétariennes et à abandonner la lutte de leur propre classe d’origine.[...]”.

 

Cette analyse du monde étudiant en terme de classes, donc majoritairement constitué de “bourgeois”, explique le scepticisme de la C.N.T. à l’égard d’une agitation jugée superficielle ou petite-bourgeoise : “En France, le bavard universitaire est presque une tradition moyenâgeuse, mais les étudiants, même quand ils sont communistes [...] n’ont jamais renoncé aux privilèges futurs de situations avantageusement rémunérées. Leur rébellion, si généreuse soit-elle, n’est qu’un feu de paille [...]”.

 

Fidèles au syndicalisme révolutionnaire, pour eux le changement social ne peut venir de ce monde étudiant, mais uniquement du monde du travail, là où s’exprime la lutte des classes. Cette foi à l’égard des travailleurs se retrouve dans le Combat syndicaliste du 22 février 1968 avec un article intitulé “la poussée révolutionnaire des travailleurs va en s’amplifiant”. Pour la C.N.T., les différents affrontements qui ont eu lieu entre les travailleurs et les forces de l’ordre en janvier 1968, annonceraient une possible crise révolutionnaire.

 

Mais l’attitude de la C.N.T. à l’égard du milieu étudiant change complètement à partir de la mi-mai : “Nous saluons votre lutte contre la sclérose et la routine bourgeoise des universités [...]. Face à la répression de l’État, à la démagogie des partis politiques et à la carence des organismes officiels pour résoudre les problèmes agissants qui se posent à la jeunesse, tous les travailleurs doivent s’associer à l’action des jeunesses estudiantines [...]”. Elle considère les étudiants comme le possible élément déclencheur de la marche vers la révolution sociale. Ce changement de position s’opère à la mi-mai, après les violents affrontements survenus lors de la “nuit des barricades” du 12 mai. La violence est en effet un indicateur de la poussée révolutionnaire. Si la C.N.T. parle de “la poussée révolutionnaire des travailleurs” dans le Combat syndicaliste du 22 février 1968, c’est parce qu’à ses yeux, la violence témoignerait du caractère révolutionnaire d’un mouvement : “[...] les premiers heurts violents avec les forces de l’ordre, loin d’effrayer les travailleurs, leur permettent de prendre la mesure de leur force et d’accroître leur confiance en la force collective qu’ils représentent. [...]. Lorsque les organisations syndicales réformistes organisent des manifestations monstres mais pacifiques, les travailleurs n’en retirent aucune expérience valable, précisément parce que ces manifestations ne sont que des "démonstrations" et qu’elles ne permettent en aucune façon aux travailleurs de mesurer leur puissance d’action directe [...]”.

 

Autre facteur qui explique le retournement de la C.N.T., c’est la manifestation du 13 mai. Cette manifestation dont un des objectifs était la jonction avec le monde ouvrier serait l’expression d’une conscience de classe et par conséquent légitimerait le mouvement étudiant. Dès lors, le milieu étudiant et universitaire en général cesse d’être perçu comme un milieu bourgeois : “C’est ici que la liaison étudiants-ouvriers est nécessaire. Les étudiants et les ouvriers ne doivent pas avoir leurs actions séparées. C’est dans la même lutte contre l’exploiteur qu’ils doivent être unis”. Puisque les étudiants sont du même côté que les travailleurs, c’est à dire contre “l’exploiteur”, c’est qu’ils ont les mêmes intérêts que la classe ouvrière, d’où l’indispensable unité entre ces deux groupes sociaux que finalement rien ne distingue. Ce qui peut enfin expliquer cette nouvelle sympathie pour le milieu étudiant, c’est la réactualisation des thèmes d’autogestion, d’action directe et de démocratie directe, thèmes que l’on retrouve dans l’anarcho-syndicalisme dont la C.N.T. s’estime être l’héritière et l’unique représentante.

 

Alors que le mouvement s’épuise au début du mois de juin, la C.N.T. reproche aux grandes centrales syndicales de l’avoir cassé : “[...] La trahison des syndicats inféodés au pouvoir a permis de saboter la révolution de mai 68.[...]”. Elle leur reproche d’avoir détourné la lutte des travailleurs en l’orientant vers la négociation et ce qu’elle appelle les “tripatouillages de Grenelle”. Le rôle contre-révolutionnaire de ces centrales syndicales légitime la critique que la C.N.T. n’a cessé d’adresser aux anarchistes adhérents à ces mêmes centrales. La C.N.T. attribue donc une part de responsabilité dans l’échec du mouvement à ces mêmes anarchistes.

 

Toujours dans cette logique de refus de compromission avec les centrales "réformistes", la C.N.T. refusa de participer à la tentative de création d’un pôle anarcho-syndicaliste. Cette tentative a été initiée par l’U.A.S. (l’Union Anarcho-Syndicaliste) qui invita à une réunion en novembre 1968 toutes les composantes du mouvement anarchiste, auxquelles il faut ajouter selon Roland Biard l’Union des Syndicalistes. Cette initiative ne se concrétisa officiellement qu’en juin 1969 avec la création de l’A.S.R.A.S. (Alliance Syndicaliste Révolutionnaire et Anarcho-syndicaliste). L’A.S.R.A.S. rencontra dès ses débuts, et même avant sa création officielle, l’hostilité de la C.N.T. pour qui il est vain de chercher à impulser une dynamique syndicaliste révolutionnaire au sein des centrales syndicales traditionnelles. L’échec du mouvement de mai 68 qui n’a pu déboucher sur une révolution sociale est une confirmation pour la C.N.T. de la véracité de sa thèse.

 

La C.N.T. conserve donc la même conviction depuis sa création, à savoir que l’esprit du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarcho-syndicalisme ne peut exister en dehors d’elle. Le bilan que la C.N.T. tire par ailleurs du mouvement de mai 68 se nourrit à la fois de déception et d’idéalisme. Un des facteurs de cet échec c’est, selon elle, la difficulté des travailleurs à se détacher des “pseudos syndicalistes qui dirigent les forces ouvrières sur les voies de garage”. Les travailleurs seraient donc “bernés”, “inconscients”, “voués à l’esclavage et à la soumission”. Il est frappant comme cette déception contraste avec l’idéalisation des travailleurs qui se dégageait du le Combat Syndicaliste du 22 février 1968. Cependant, si certaines déclarations peuvent laisser croire le contraire, la C.N.T. continue d’idéaliser les travailleurs : “[...] les travailleurs voient aujourd’hui d’autres horizons qu’un "gouvernement populaire" ; ils pensent à une nouvelle construction économique et sociale qui mènera la révolution vers l’égalité économique et la vraie liberté”. C’est donc bien une déception et un idéalisme, très éloigné de la réalité, qui coexistent et s’opposent dans la vision que la C.N.T. a des travailleurs. Son état résiduel, groupusculaire peut expliquer une telle analyse du mouvement dans la mesure où elle était totalement détachée des masses pendant les évènements. Mais son discours contre les organisations traditionnelles et la réactualisation des thèmes anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires amenèrent, malgré sa quasi-inactivité, une nouvelle génération de militants à la C.N.T.

 

b) Une nouvelle jeunesse pour la C.N.T. ?

 

L’élan que suscita mai 68 chez les jeunes provoqua une augmentation des adhésions. La C.N.T. de la région parisienne aurait connu entre 150 et 200 adhérents au lendemain de mai 68, alors qu’elle n’était constituée que d’une vingtaine d’adhérents à la veille du mouvement. Ce phénomène s’observe également à Lyon où la C.N.T. compte une trentaine d’adhérents contre 3 en 1967. Ces nouveaux adhérents, pour la plupart des jeunes qui ne sont pas issus du milieu ouvrier, renforcent la structure des J.S.R. qui demeurait squelettique et se limitait à Paris et Marseille. Ce renforcement des J.S.R. se traduisit notamment par la publication d’un journal, Action directe (numéro 1, novembre 1968). Les J.S.R. représentaient un espoir pour la C.N.T., capable de redonner une dynamique à l’organisation et de la sortir de sa longue léthargie. Espoir aussi, parce qu’elles résolvaient le problème de la relève des vieux militants.

 

Le congrès constitutif des J.S.R. eut lieu à Tassin la Demi-Lune (Rhône), les 1er et 2 novembre 1969. Elles se transforment alors en J.A.S. (Jeunesses Anarcho-Syndicalistes). Si l’objectif de la création des J.A.S. était de se dégager de la tutelle de la C.N.T., elles constituent néanmoins un point de liaison entre le monde étudiant et la C.N.T. jusqu’alors étrangers l’un à l’autre. C’est cet objectif que s’assigne les J.A.S. dans la résolution votée lors de leur congrès constitutif : “Les J.A.S. sont la jeunesse de la C.N.T., leur but est de regrouper tous les jeunes travailleurs et étudiants qui acceptent les principes, tactiques et buts de la C.N.T.”.

 

Le principal travail des J.A.S. dans le milieu étudiant consistait dans un premier temps à concurrencer l’U.N.E.F. mais aussi les différents groupuscules trotskistes et maoïstes en avançant notamment des mots d’ordre d’autonomie et d’autogestion des facultés. Pour les quelques jeunes des J.A.S. qui travaillaient, il s’agissait de constituer des “comités Combat-syndicaliste”. Un comité combat-syndicaliste était un noyau de militants chargés de vendre le Combat syndicaliste. Cette vente devait permettre de diffuser la propagande cénétiste pour recruter de nouveaux militants. Le Combat syndicaliste était considéré comme l’instrument permettant de s’implanter en milieu ouvrier. Les J.A.S. devaient donc être d’une certaine manière la concrétisation de l’idée selon laquelle rien ne distingue les étudiants et les ouvriers unis “contre l’exploiteur”. Cette expérience des J.A.S. se solda en fin de compte par un échec. Son existence éphémère, un an, fait d’elle une des multiples composantes de l’effervescence gauchiste de l’après mai 68. La C.N.T. n’a pas pu bénéficier de l’élan soixante-huitard sur le long terme, et cet élan a même eu une part négative pour l’organisation. L’esprit des jeunes militants était étranger à celui de la C.N.T. Cette dernière connaît un véritable choc de culture entre des jeunes teintés du modèle "jouir sans entrave" et des militants plus anciens et de culture ouvrière. La culture ouvrière de ces vieux militants qui étaient le plus souvent d’origine espagnole et étrangers à l’esprit soixante-huitard, se caractérise notamment par la valeur du travail.

 

Ce conflit de génération entre des vieux militants dont la moyenne d’âge est supérieure à cinquante ans et les jeunes se traduit lors du quatorzième congrès confédéral à Toulouse en 1971, par un flot d’insultes entre les deux parties. Le bulletin intérieur de février 1975 décrit d’ailleurs ce congrès comme “un des plus turbulents”. Lassés, les vieux militants quittent alors la C.N.T. On peut noter le départ lors de ce congrès de Joseph Soriano qui avait été secrétaire confédéral entre 1963 et 1967. Toulouse est la seule ville qui échappe à cette rupture. Le nouveau bureau confédéral n’était alors constitué que de jeunes qui, n’étant pas vraiment des militants anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires, abandonnent leurs responsabilités. La C.N.T. voit alors -entre 1971 et 1973- sa structure s’effondrer.

 

Les jeunes qui étaient venus à la C.N.T. au lendemain de mai 68 soit cessèrent de militer, soit se tournèrent pour quelques-uns vers les communautés libertaires. Ce phénomène est surtout visible dans le sud-ouest. Dans le compte-rendu du congrès de la 6ème U.R. tenu à Narbonne le 15 novembre 1972, on peut lire ceci : “Gros problèmes à Narbonne car les jeunes qui s’étaient groupés à la C.N.T. et autour de l’équipe existante, ont créé une communauté laissant ainsi un grand vide et reposant le problème de la relève des anciens responsables”. Des liens existaient en effet entre les communautés libertaires du sud-ouest et la C.N.T. Les fondateurs de ces communautés étaient parfois des militants de la C.N.T. C’est notamment le cas de Pierre Méric, adhérent de la C.N.T. de Marseille qui participa à la création de la communauté de Villeneuve-du-Bosc (Ariège), ou bien encore de Paul Gérard et Alain Rous, tous deux adhérents de la C.N.T. de Paris qui fondent en 1971 la communauté du “Llech” puis celle des “Caroneras” dans les Pyrénées Orientales. Les communautaires du Llech vendaient d’ailleurs le Combat syndicaliste et participaient aux activités de la C.N.T. de Perpignan. Mais ces communautés ne pouvaient en rien servir au développement de la C.N.T.

 

La désagrégation que la C.N.T. connaît depuis les années cinquante aboutit ainsi à la mort de ce que l’on peut appeler la première C.N.T. dont l’existence s’étale de 1946 à 1973. L’état de la C.N.T., après ce feu de paille qu’a été l’après mai 68, est encore pire qu’auparavant. On peut lire dans le bulletin intérieur de février 1975 un passage commentant cette période : “[...] A l’euphorie de mai 68, succédait la débandade. Sans lien entre elles, les structures de l’organisation se désagrégeaient rapidement”. L’élan de mai 68 aurait bien pu mettre fin à la C.N.T.

 

Complètement déstructurée, vidée, au moment du congrès de 1973, elle compte moins d’une cinquantaine de militants sur toute la France. Le congrès de 1973 qui se tient à Paris où une vingtaine de congressistes sont réunis, correspond plus à l’assemblée générale de tous les militants de la C.N.T. Alors que ce congrès aurait pu aboutir à la dissolution de la C.N.T., la vingtaine de congressistes décida tout de même de relancer l’organisation. Étant donné sa décomposition et sa déliquescence, et dans la mesure où c’est une nouvelle génération de militants qui prend les commandes, c’est bien une nouvelle C.N.T. qu’il s’agit de reconstituer.

 


III. Une longue reconstruction (1973 - début des années 90)

Étudier la reconstruction de la C.N.T. permet de connaître le parcours de quelques militants, une vingtaine, qui se sont obstinés à remettre sur pied une organisation devenue quasi-inexistante. Cette tâche, loin d’être aisée, aboutira à la construction d’un courant anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire organisé au sein de ce qu’on appelle les nouveaux mouvements sociaux. Cependant, ce développement ne se fit pas sans divisions, les problèmes tant théoriques que pratiques conduisant à une scission.

 

1- Un modèle de développement : l’interprofessionnel

 

La renaissance de la C.N.T. ne se fit pas par la création de sections syndicales sur les lieux de travail. Pendant quelques années, elle n’eut aucune base syndicale. La priorité était en réalité de consolider et de multiplier des noyaux de militants dans les villes, à partir desquels des créations de sections syndicales pourraient alors être envisagées. Il fallait donc dans un premier temps se lancer à la conquête des villes.

 

a) Évolution de l’implantation géographique

 

La reconstruction de la C.N.T. dans les années soixante-dix, se traduit tout d’abord par une volonté de développer les unions locales correspondant essentiellement à des noyaux de militants. Au lendemain du congrès de 1973 tenu à Paris, la C.N.T. ne comptait que six U.L. qui fonctionnaient réellement : Toulouse, Paris, Bordeaux, Marseille, Perpignan et Lyon. Il faut cependant nuancer le terme utilisé par l’organisation lorsqu’elle parle d’Unions Locales. Il ne s’agit pas d’unions qui regroupent les différents syndicats des villes, mais de noyaux de militants. Il peut arriver que des syndicats existent, comme à Toulouse où l’on trouve un syndicat du bâtiment, mais celui-ci n’était animé que par un militant, Joseph Vincent. Ces syndicats sont le plus souvent des structures sans fonctionnement réel et qui correspondent simplement aux professions des différents militants du noyau C.N.T. de telle ou telle ville. Cette situation amène à constituer des syndicats interprofessionnels permettant le regroupement de militants isolés sur leur lieu de travail.

 

Ce sont ces noyaux que la C.N.T. s’efforce de multiplier. Par le biais de contacts, le plus souvent des individus isolés dans leurs villes, la C.N.T. parvient à mettre en place des groupes de militants dans des villes où elle était jusque-là absente. Lors du XVème congrès de l’A.I.T. qui se tient à Paris en 1975, le représentant de la C.N.T. explique de cette façon leur manière de se développer : “Cette section (la C.N.T.F.) reprend un peu “du poil de la bête” depuis quatre ans. Dans certaines régions, les contacts d’abord individuels ont donné naissance à des groupes, puis à des U.L. Notre activité est de structurer, d’implanter des U.L. Ainsi, si il y a 5 ans, seules six U.L. fonctionnaient réellement, ce sont aujourd’hui quinze qui travaillent”.

 

Si la C.N.T. s’implante dans de plus en plus de villes, certaines sections ont toutefois une existence éphémère. Prenons l’exemple de Tarascon qui apparaît lors du congrès de 1979. Cette section ne réapparaît plus par la suite, alors que dans son compte-rendu d’activité elle déclarait pourtant avoir une douzaine de militants. Entre 1979 et 1981, des sections ont également été créées comme à Troyes, Nogent-le-Rotrou, Bonneville, Cannes, pour disparaître rapidement, puisqu’au congrès de 1981 le B.C. déclare ne plus avoir de nouvelles de ces sections. Dans le cas où elles ne disparaissent pas totalement, leur existence reste fragile. C’est notamment le cas de la section de La Rochelle qui apparaît en 1979. Mais du fait des difficultés d’implantation, elle ne réapparaît qu’en 1985. L’implantation par le biais de noyaux de militants connaît donc certaines limites.

 

Géographiquement, la C.N.T. se développe essentiellement dans la région parisienne, où l’on voit des sections apparaître dans les départements de l’Ile de France. Dans les années soixante-dix, la C.N.T., dans cette région, n’existait qu’à Paris avec un local situé rue de la Tour d’Auvergne. Après un conflit entre militants, la C.N.T. de Paris se divisa en deux, avec une section à Saint-Ouen, et l’autre rue de la Tour d’Auvergne. La section de Saint-Ouen s’installa rapidement au local de la C.N.T.E. en exil au 33, rue des Vignoles, qui restera le local de la C.N.T. de Paris, mais aussi le siège de la C.N.T. La C.N.T. basée rue de la Tour d’Auvergne fut exclue en 1977. Dans les années quatre-vingt, deux sections émergent à Choisy et à Plaisir. Entre 1989 et 1991, le mouvement s’accélère et la région parisienne compte huit sections.

 

Le bilan de l’implantation, malgré ces difficultés, reste positif. Alors qu’en 1973, la C.N.T. n’existe que dans 12 villes, en 1991 elle est implantée dans 30 villes ou départements et compte 26 syndicats professionnels avec une activité syndicale réelle, contrairement à 1973, où les syndicats étaient des structures fantômes. A la fin des années quatre-vingt, les sections qui se créent ne sont plus éphémères. Même si elles sont faibles en effectifs, elles maintiennent leur existence. Si entre 1973 et 1987 les noyaux de militants n’ont pas toujours donné lieu à de réelles implantations, c’est à dire à des sections qui se pérennisent, à partir du congrès de 1987, celles qui se créent ont une existence durable.

 

En terme d’effectifs, ce développement correspond à celui d’un groupuscule. En juillet 1978, à partir d’un rapport de la trésorerie confédérale qui fait état du nombre de cartes demandées par les U.L., on arrive à un total de 178 cartes. Ce nombre est donc le maximum que l’on puisse envisager dans la mesure où les commandes sont parfois supérieures à la réalité, dans l’espoir de voir arriver de nouveaux adhérents. Quand une U.L. ne demande qu’une carte ou deux d’adhésion, le terme de “ noyau ” semble plus approprié pour qualifier le groupe. Il faut cependant souligner qu’une U.L. telle que Arles qui ne commande qu’une carte consolide au fil des années son implantation avec une section dans une entreprise de transports qui remporte les élections de délégués du personnel avec 85%. En revanche, lorsqu’une section telle que Grenoble commande à la trésorerie confédérale quinze cartes, cela relève du pur fantasme puisque cette U.L. disparaît rapidement pour ne réapparaître qu’à la fin des années quatre-vingt. On peut enfin remarquer à partir de ce tableau que les villes de Bordeaux, Paris et Toulouse restent les bastions historiques de la C.N.T. Ce sont en effet les trois villes où la C.N.T. n’a jamais réellement cessé d’exister. Le nombre de 178 adhérents ne correspond pas à la réalité : le congrès de 1981 permet de faire une autre estimation. A partir des comptes-rendus d’activité, la C.N.T. semblerait compter environ 110 adhérents. Or, la section de Lille avance le nombre de 200 militants. On constate qu’il est bien difficile d’évaluer précisément ces effectifs. Ainsi, afin d’avoir une idée de l’état de la C.N.T. à la fin des années soixante-dix, début quatre-vingt, nous nous limiterons à une estimation d’environ 150 adhérents. Ce nombre aussi ridicule soit-il, n’en traduit pas moins une nette progression de l’organisation si on le compare à celui de 1973.

 

Durant les années quatre-vingt, l’organisation continue de progresser. Elle ne parvint pas cependant à dépasser son stade groupusculaire. Au moment de la scission, en 1993, il est peu probable qu’elle dépasse le millier d’adhérents. Il ne faut donc pas tenir compte de l’article paru dans la revue Liaisons sociales du 19 novembre 1992. Dans cet article, nous pouvons lire : “Aujourd’hui, la C.N.T. estime à 3000 le nombre de ses adhérents et déclare ne pas connaître de crise du militantisme”. Ce chiffre avancé par des dirigeants de la C.N.T. de Paris est grossièrement gonflé et suscite même de vives critiques de la part d’U.L.. En effet, au moment de la scission, la C.N.T. encore unifiée devait compter un peu plus de 500 adhérents dont une bonne partie dans la région parisienne qui connut un développement plus important que les autres U.L.

 

Afin de consolider et de développer ces sections, le travail effectué par les militants relève parfois plus de celui d’une organisation politique, c’est à dire qu’il s’inscrit dans une vision idéologique avec des prises de positions politiques, dépassant le cadre syndical de l’économie, à savoir l’entreprise.

 

b) La C.N.T. : un “syndicat-parti”  ?

 

La base de la C.N.T. est très souvent le syndicat interprofessionnel, appelé "l’interco" , et non la section d’entreprise. Son développement repose donc très peu sur ses activités syndicales . L’originalité de la C.N.T. tient à sa dimension inter-professionnelle. Les activités des syndicats interprofessionnels consistent essentiellement à un travail de propagande : collages d’affiches, ventes du journal et parfois la parution de journaux propres aux intercos de certaines villes. Lille faisait paraître Action Directe, Paris Catacombes, et Toulouse La Castagne . Ce travail de propagande abordait des thèmes souvent plus proches du politique que du syndicalisme. La C.N.T. ne se limite pas aux problèmes liés aux lieux de production. Elle traite en effet des problèmes de société tels que le chômage et la précarité, le racisme, l’antimilitarisme. A maintes reprises, elle participe à des mouvements relatifs à ces thèmes. Cette participation est bien entendue proportionnelle à son niveau de développement. Ainsi, en 1983, elle mène une campagne anti-militariste contre le protocole Hernu-Savary. En 1984, elle sort tout un matériel de propagande (autocollants, affiches, nombreux articles dans le C.S.) contre les T.U.C. (Travaux d’Utilité Collectifs) en dénonçant le caractère précaire de ces contrats. Mais la participation de la C.N.T. à divers mouvement commence surtout à partir des années quatre-vingt-dix. En janvier 1991, la C.N.T. se mobilise pour lutter contre la guerre du Golfe. Outre la présence de cortège C.N.T. dans les manifestations, elle participe également aux assemblées générales et aux quelques grèves qui ont eu lieu parfois dans le public, notamment dans les centres de tri de Lyon et de Bordeaux où des militants de la C.N.T. prirent la parole “pour expliquer la portée sociale et anti-militariste de la grève”. Elle est d’ailleurs certainement la seule organisation syndicale à appeler à la grève générale, tout en étant consciente que l’écho de cet appel sera insignifiant. En 1992, c’est au cours des manifestations contre le Front National que se forment des cortèges rouges et noirs. Ceux-ci se manifestent à nouveau lors des grandes manifestations pour la laïcité en 1993. En 1994, la C.N.T. participe à la manifestation nationale contre le chômage.

 

La participation de la C.N.T. à tous ces mouvements en tant que structure interprofessionnelle, si elle est volontairement la base de la C.N.T. pour certaines U.L., cela ne doit pas en revanche cacher une réalité, à savoir la difficulté pour les militants de développer des sections syndicales.

 

Il ne faut pas pour autant réduire la C.N.T. à un simple groupe idéologique qui se limiterait à brandir le drapeau rouge et noir de l’anarcho-syndicalisme, et cela sans réalité syndicale. En effet, à partir des syndicats interprofessionnels, des sections d’entreprises vont se créer. L’intérêt des interprofessionnels est de consolider une base militante avant que les effectifs ne se dispersent dans leurs sections professionnelles.

 

2- La C.N.T., une organisation syndicale

 

a - L’affirmation de l’identité syndicale

 

Il faut avant tout souligner que la C.N.T. bénéficie de peu de sympathie au sein du milieu libertaire. Quand celui-ci n’est pas anti-syndicaliste, il est hostile à la C.N.T. considérée comme un groupe idéologique et non pas comme une organisation syndicale. Dans les années soixante-dix, les libertaires préférèrent rester dans leurs centrales traditionnelles, C.G.T. et F.O., ou, phénomène nouveau à partir de mai 68, entrent en grand nombre à la C.F.D.T. A cette période, les discours d’Edmond Maire sur l’autogestion attiraient beaucoup d’anarchistes (et également des trotskistes de tendance L.C.R.). La C.F.D.T. était donc devenue la centrale idéale aux yeux d’une grande partie de la génération de mai 68, avec laquelle il était difficile pour la C.N.T. de rivaliser. Celle-ci, lassée des critiques adressées par le milieu libertaire, veut prouver qu’il est possible de faire du syndicalisme à la C.N.T.

 

La première étape de cette orientation syndicaliste, c’est la campagne contre les élections prud’homales en 1979 . Cette campagne de boycott repositionne en effet la C.N.T. comme une organisation syndicale française et non plus comme une annexe de la C.N.T. espagnole . Ce repositionnement ne trouve cependant d’écho qu’au sein du mouvement libertaire et il ne s’agit là que d’une activité de propagande.

 

L’orientation syndicaliste ne se concrétise réellement qu’à Bordeaux, en 1982 et 1983. Pendant ces deux années, l’U.L. de Bordeaux connaît quatre conflits pendant lesquels les syndicats C.N.T. jouent un rôle important. Le premier conflit eut lieu dans une entreprise du bâtiment. Pendant ce conflit, la C.N.T. force la C.G.T. à accepter que les délégués soient élus en assemblées générales. La plupart de ces délégués sont des adhérents de la

C.N.T. Ce conflit aura permis à la C.N.T. d’avoir une influence au sein de l’entreprise. Cette influence se manifeste lors des élections au comité d’entreprise qui eurent lieu après le conflit. En effet, la C.N.T. est le seul syndicat à appeler au boycott de ces élections, appel qui eut un écho dans la mesure où le taux d’abstention fut de 75% dans toute l’entreprise et de 100% là où la C.N.T. était présente . Le second conflit fut celui des cinémas Concorde de Bordeaux dans lesquels la C.N.T. mena une grève assez dure avec boycott des cinémas. Autre grève à laquelle participa la C.N.T., celle de l’usine S.A.F.T. (métallurgie). Le syndicat de cette usine n’étant pas reconnu par la direction, il du pour pouvoir bénéficier des droits syndicaux (panneaux d’affichage, présence du délégué syndical aux réunions du comité d’entreprise) se présenter aux élections des délégués du personnel. Mais le principal conflit reste celui de la clinique des Orangers en 1983. Cette grève, si elle n’a rien de particulier en soi constitue cependant un symbole fort pour la C.N.T. puisque, étant le seul syndicat, c’est elle qui mène le conflit. Ce conflit a été porté au niveau de toute l’organisation et ne s’est pas limité à l’U.L. de Bordeaux. Il a mobilisé beaucoup de force militante. A travers cette grève, la C.N.T. rencontre une certaine sympathie sur le plan local, puisqu’elle voit l’adhésion d’ambulanciers également en grève et qui étaient à la C.G.T. Ces adhésions sont importantes dans la mesure où il ne s’agit pas d’anarchistes qui rejoignent la C.N.T., mais de syndicalistes qui quittent la C.G.T. pour la C.N.T. C’est ce type d’adhésion, non idéologique, qui confirme l’identité syndicaliste de la C.N.T. L’utilisation maximale du conflit, au niveau national, eut un impact positif au sein du milieu libertaire. A la suite de ces deux années d’intense activité à Bordeaux, la C.N.T. n’était plus un simple groupuscule d’idéologues anarcho-syndicalistes et pouvait dès lors se faire reconnaître en tant que syndicat.

 

Mais ces conflits, sur le plan national, n’ont eu une importance que symbolique. Ils n’ont pas aboutit à une réelle implantation syndicale. L’implantation dans le privé est ainsi suspendue pendant quelques années. Le public constitue quant à lui l’occasion de devenir une organisation syndicale.

 

b) Le secteur public : un tremplin pour la C.N.T.

 

Le secteur public correspond en effet beaucoup plus à un fief d’implantation que le privé. Le syndicalisme bénéficiant d’une tolérance plus large dans le public que dans le privé, la C.N.T. eut plus de facilité à s’exprimer.

 

C’est l’éducation qui fut le premier secteur professionnel où la C.N.T. parvint à s’implanter. Le syndicat de l’éducation de Toulouse avait déjà commencé à publier en février 1979 « Le Courrier de l’éducation libertaire ». Ce journal devait servir à l’origine à maintenir une liaison entre des enseignants de Toulouse, Tarbes et Montauban réunis lors d’une réunion. Mais « Le Courrier de l’éducation libertaire » est très vite devenu un journal s’adressant non pas seulement aux cénétistes mais “à tous les autres libertaires du secteur éducation”. Entre 1979 et 1981, le tirage de ce journal passe de cent à six cent exemplaires. Outre ce journal qui ne concerne que le syndicat de l’éducation de Toulouse, la C.N.T. connaît une forte activité dans ce secteur entre 1980 et 1982. Au Havre et à Lille, elle participe en 1980 à la grève des M.I./S.E. (Maîtres d’Internat/Surveillants Externes) et des instituteurs. A Toulouse, en plus de l’activité de propagande, le syndicat participe “activement” à la grève des éducateurs spécialisés à travers une intersyndicale C.G.T./C.F.D.T./C.N.T. et une coordination des éducateurs en formation sur le plan national. En 1981 et 1982, la C.N.T. poursuit son orientation syndicale. En effet, la réforme de la fonction publique avec les lois Auroux permet à la C.N.T. de développer un discours syndicaliste contre l’intégration du syndicalisme, et d’apparaître ainsi comme une organisation syndicale dans l’éducation. La C.N.T. connaît alors de nouvelles adhésions dans ce secteur, mais qui restent cependant très faibles. Les sections dans le secteur de l’éducation se multiplient peu à peu dans la première moitié des années quatre-vingt, mais semble connaître un recul par la suite. L’implantation de la C.N.T. dans l’éducation semble s’être soldée par un échec dans cette première moitié des années quatre-vingt. En effet, quand ces syndicats ne disparaissent pas, ils se réorganisent souvent en structures plus larges, les syndicats Santé-Social-Education (S.S.E.), ce qui révèle leur faiblesse.

 

En revanche, le nombre de ces syndicats S.S.E. progresse quelque peu au début des années quatre-vingt-dix, donnant lieu en mars 1992 à la création d’une fédération S.S.E. Lors de la constitution de cette fédération, seulement cinq syndicats S.S.E. ou liés à l’éducation étaient présents. La création de cette fédération traduit la volonté pour la C.N.T. de se structurer selon le schéma traditionnel d’une confédération syndicale et donc d’affirmer encore une fois son identité syndicale. Cette structure, qui certes traduit le développement de l’organisation mais dans le même temps un signe de faiblesse, n’en reste pas moins originale dans la mesure où elle fédère des syndicats qui n’ont parfois pas grand chose en commun.

 

La C.N.T. poursuit cependant son développement dans le domaine de l’éducation. Quelques syndicats d’enseignants se créent, mais la nouveauté réside surtout dans l’organisation des étudiants au sein de la C.N.T. Si les statuts avaient envisagé l’organisation des jeunes au sein de la C.N.T. avec la constitution de Jeunesses Syndicalistes Révolutionnaires comme cela avait été le cas à la fin des années soixante, la possibilité de créer des syndicats étudiants n’avait pas été posée. C’est à Caen qu’une structure étudiante apparaît pour la première fois en 1991 sous le nom de Coordination Libertaire Etudiante, mais elle se limite à cette ville. C’est l’année suivante que l’implantation de la C.N.T. dans l’éducation à travers les jeunes se confirme avec la création en juin 1992 de la F.A.U. (Formation Action Universitaire) . A ses débuts, ce syndicat n’existe que dans la région parisienne et est surtout présent à l’université de Paris X (Nanterre). La F.A.U. est partie prenante du syndicat des travailleurs de l’éducation de la région parisienne. Dans sa plate-forme, la F.A.U. se positionne aux “antipodes du corporatisme universitaire” et a entre autres pour but “de faire le lien entre le monde du travail et de l’éducation”. Elle se refuse à être “un syndicat étudiant corporatiste et jamais elle ne limitera son action au seul créneau de l’enseignement”. Ce syndicat connaît quelques activités lors de la lutte contre les expulsés de Vincennes et lors des manifestations contre le C.I.P. en 1993. Son implantation reste cependant localisée et il faut attendre le mouvement de novembre-décembre 1995 pour qu’elle devienne une composante non négligeable du paysage syndical étudiant.

 

A l’inverse de l’éducation, la C.N.T. connaît un développement croissant et continu dans le secteur des P.T.T. Les P.T.T. peuvent en effet être considérés comme le principal fer de lance pour la C.N.T. Ce secteur représente à partir du milieu des années quatre-vingts un fort potentiel de développement syndical pour la C.N.T., comme cela a été le cas pour la C.F.T.C. ou pour F.O., et comme ça le sera par la suite pour S.U.D. Il est cependant plus réaliste de comparer la situation de la C.N.T. à celle que connaît dans le même temps le S.U.D.-P.T.T. Le fait que ces deux organisations syndicales connaissent un développement dans les P.T.T. tient certainement à la présence d’une extrême-gauche (trotskistes de la L.C.R. ou anarchistes) dans ce secteur. Dans les P.T.T., cette extrême-gauche était organisée essentiellement à la C.F.D.T. pour les raisons que nous avons vues précédemment. Si ce sont des anciens de la C.F.D.T. qui créent S.U.D.-P.T.T., ce sont également, pour une bonne partie, des anciens de la C.F.D.T. qui renforcent la C.N.T.-P.T.T. Le secteur des P.T.T. est ainsi l’illustration et la scène d’une recomposition syndicale par l’action de militants issus de l’extrême-gauche.

 

Le développement de la C.N.T. dans les P.T.T. ne devient réel qu’à la fin des années quatre-vingts. Son implantation auparavant était limitée à Paris, alors seule ville à posséder un syndicat dans les P.T.T. Puis, en 1987, après la création un an plus tôt de la fédération P.T.T., on compte cinq syndicats C.N.T.-P.T.T. Lors du congrès de 1991, onze syndicats P.T.T. sont recensés dont trois pour la région parisienne. Le secteur des P.T.T. constitue alors le principal lieu d’implantation de la C.N.T. A en croire un texte d’un militant des P.T.T., “le secteur P.T.T. représente environ 1/3 de la confédération en adhérent(e)s. Afin de comprendre l’importance des P.T.T. dans certaines localités, il est intéressant de s’arrêter sur l’exemple lyonnais qui illustre le développement de la C.N.T. Si dans de nombreuses villes, c’est le modèle interprofessionnel qui a prévalu pour se développer, à Lyon c’est le schéma inverse qui s’est réalisé. Après leur exclusion de la C.F.D.T. en 1977, des travailleurs des P.T.T. créent en 1978 un Syndicat Autogestionnaire des Travailleurs (S.A.T.). Mais, en 1985, ce syndicat ouvertement anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire qui regroupa jusqu’à soixante adhérents fut dissout suite à sa non-reconnaissance juridique. Sept anciens adhérents de ce syndicat décident alors de créer une C.N.T.-P.T.T. Ce syndicat implanté dans un centre de tri de Lyon, celui de Montrochet, connaît un développement lors des grèves de novembre 1987 contre le projet de Longuet visant la privatisation des télécoms et de la poste. La C.N.T. anime une grève de 12 jours dans ce centre de tri, ce qui lui vaut la sympathie de nombreux travailleurs, notamment à cause de l’attitude des autres syndicats qui mettaient en grève les autres centres de tri un à un. Le deuxième moment fort pour ce syndicat est la fermeture du centre de tri de Montrochet en octobre 1993. La C.N.T. lance alors une grève qui dura un mois avec occupation des locaux. Le syndicat C.N.T.-P.T.T. de Lyon poursuit son travail également en-dehors des P.T.T. en maintenant une présence dans les manifestations d’ordre politique, notamment contre la guerre du Golfe. Cette participation aux manifestations générales qui facilitent la propagande connaît un succès en 1994 lorsque cinq personnes décidèrent de créer un syndicat interprofessionnel. Le développement de la C.N.T. lyonnaise trouve ainsi son origine dans la C.N.T.-P.T.T.

 

La C.N.T. a donc connu un développement dans le secteur public et principalement dans les P.T.T. Cependant, la C.N.T. est encore loin de peser sur le champ syndical. Si au cours des années quatre-vingts, la C.N.T. a voulu prouver qu’il était possible de faire du syndicalisme dans son organisation, cette orientation n’est plus pour certains syndicats la priorité. Le désir de construire une organisation selon les structures traditionnelles du syndicalisme (sections syndicales, fédérations) est remis en cause.

 


IV. La scission de 1993

 

La question des élections professionnelles et de l’implantation dans les entreprises se trouve au coeur de la scission de 1993. Le problème qui se posait alors à la CNT était simple. Soit elle maintenait des principes inflexibles de refus de participation aux élections professionnelles (en particulier parce que les élus ne sont pas révocables), mais dans ce cas elle renonçait de fait à la possibilité de créer des sections syndicales (or, sans DP, il est pratiquement impossible d'acquérir la représentativité et sans représentativité il est impossible d'ancrer une section syndicale en raison de la répression patronale). Soit elle se réservait la possibilité d'y participer en autorisant une stratégie de développement  de sections syndicales et de construction d'un syndicat de masse. La CNT a fait ce dernier choix tout en se dotant d'une commission chargée de recueillir les bilans d'expériences menées, bilans qui sont diffusés à l'ensemble des syndicats afin que les décisions puissent se faire en connaissance de cause et non selon des principes théoriques.

 

La scission de 1993 est également fondée sur des différences de positions concernant l’identité de la CNT. Pour l’une des branches, la CNT est une organisation de propagande anarchiste. Pour l’autre, la CNT est une organisation syndicale dont les références sont doubles : l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire.

 

Pendant 3 ans, les deux CNT issues de la scission vont continuer à adhérer chacune à l’AIT (association internationale des travailleurs). Mais en 1996, le XXe congrès de l’AIT décide d’exclure l’une des CNT, à 2 voix contre une, et 3 abstentions... un vote minoritaire bien peu représentatif de la logique de fonctionnement anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire qui privilégie le consensus.

 

Au final, la partie de la CNT qui reste au sein de l'AIT garde le sigle de "CNT-AIT", tandis que celle qui en est exclue, après avoir durant quelque-temps maintenu le sigle CNT/AIT se contente de "CNT". Pour mieux distinguer ces deux CNT, l'une est parfois surnommée "l'AIT" et l'autre "les Vignoles" (du nom de la rue qui héberge son siège parisien) ou "CNT-F" (du nom de son domaine internet). Cette dernière entretient des relations avec d'autres syndicats exclus de l'AIT (comme la CGT espagnole scission d'avec la CNT-E) ou ayant quitté l'AIT (comme la SAC suédoise), et même avec la FAU, section de l'AIT en Allemagne.

 

En conclusion, on peut dire qu'après presque 15 ans de scission, les deux organisations ont fortement divergées dans leurs positions politiques tant que pratiques : la CNT retrouvant le chemin de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire de la CGT d'avant la première guerre mondiale, la CNT-AIT quant à elle cherchant à réinterpréter l'anarcho-syndicalisme à la lumière d'autres expériences du mouvement révolutionnaire (situationnisme, communisme de conseil) pour donner vie au concept « d'autonomie populaire ».

 

 

V- Nouveau développement et enracinement de la CNT (1995 - 2003)

 

Sinon un développement fulgurant, la CNT a, au long des années 90, connu un développement conséquent. Lors de la scission de 1993, les deux branches qui se séparaient comptaient chacune une bonne centaine d’adhérents environ, ce qui était plutôt important en regard des effectifs connus jusqu’alors. Dix ans plus tard, la CNT revendique entre 1000 et 2000 adhérents sur toute la France. La région parisienne, qui réunissait à l’époque une dizaine d’adhérents, en compte aujourd’hui plusieurs centaines, et parvient à composer des cortèges de plusieurs milliers de personnes (7000 le premier mai 2002 ; 10000 selon l’envoyé spécial de France Info !). Remarquons que la mobilisation pour les initiatives purement syndicales (retraites, licenciements, etc.) sont plus laborieuses - il y a dix ans, elles étaient anecdotiques !

 

1- La FAU et novembre-décembre 1995

 

Paradoxalement, c’est le développement d’un syndicalisme étudiant CNT, légèrement antérieur aux luttes contre le CIP, qui a contribué pour une bonne part au développement de la CNT dans le sens d’une organisation syndicale. Dans un premier temps, l’activisme des sections universitaires (FAU-Formation action universitaire) a popularisé la CNT et a contribué à la faire apparaître publiquement. Les grèves de novembre-décembre 1995 ont à cet égard été décisives. Basée sur ses quelques secteurs d’implantation syndicale (PTT, sections du Nettoyage, Education, militants isolés dans d’autres secteurs, etc.), bénéficiant de l’activisme tous azimuts des étudiants, la CNT en peu de temps est apparue publiquement comme une organisation ayant un poids social indéniable. Loin d’être éphémères, ces sections universitaires se sont pérennisées, avec des hauts et des bas, étendues dans de nombreux campus, et les militants qui en étaient issus sont venus en grand nombre renforcer les syndicats existants, voire en créer de nouveaux, dans toute la France. La fin des années 90 a ainsi vu le renforcement des structures de la CNT.

 

2- Des apparitions publiques de masse

 

Jusqu’à mai 2000, qui a été l’événement public symbolisant, en France, le renouveau de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. Durant une semaine, des concerts (dont Noir Désir), des débats publics, des conférences, des projections, des expositions, des pièces de théâtre, se sont inscrits dans un festival baptisé " Un autre futur ", organisé par la CNT. Divers livres, brochures et journaux furent publiés à l’occasion. Avec 5000 personnes dans la rue, le premier mai fut cette année-là rouge et noir, avec le plus grand cortège depuis des décennies, composé de camarades venant de toute la France, de délégations du monde entier. D’autres apparitions publiques ont depuis confirmé cette renaissance, en particulier les 10000 manifestants de Göteborg, qui, sous les drapeaux de la SAC, de la FAU, de la CGT-E et de la CNT-F, défilèrent en juin 2000 lors du contre-sommet européen.

 

3- Implantation syndicale et front social

 

Ces dernières années, la CNT a poursuivi cette évolution. Non sans heurts, elle continue sa mue, de groupuscule de propagande en organisation syndicale. Sur le champ politique, elle est présente sur tous les fronts : lutte contre la guerre, antisexisme, lutte contre les lois répressives, mobilisation sur les sommets internationaux, soutien aux sans-papiers... Sur le champ syndical, elle élargit son implantation, la nouveauté de ces dernières années étant le développement de contacts avec des syndicalistes de la CFDT ou de la CGT, sur des pratiques de lutte de classe. L’image de violence et l’étiquette d’ « anarchiste » s’estompent peu à peu au fil des pratiques communes lors des luttes au quotidien. Les rapports avec les hiérarchies syndicales, en revanche, sont plus mauvais que jamais. De la CGT qui, en mai 2001, demande à la police de nous empêcher de manifester, à l’intersyndicale CGT-CFDT-FO qui, en mai 2002, appelait à un cortège " unitaire "... sans nous ! La tension s’accentue. Le dernier congrès de la CGT, accentuant nettement la " cédétisation " (CFDT) de la confédération, ne va pas manquer d’accentuer encore ces tensions, révélatrices de la peur de se faire déborder.

 

4- La question des élections professionnelles

 

Cette question, comme nous l’avons vu, s’est trouvée au coeur de la scission de 1993. Le sujet est encore débattu. La CNT travaille à la définition des modalités de présentations, des types d’élections auxquelles il est possible de se présenter, des moyens de contrôle permettant d’éviter les dérives cogestionnaires. Entre le groupuscule et l’organisation syndicale, la CNT cherche sa voie propre.

 

5- Printemps 2003 : enracinement de la CNT

 

Même s’il est encore trop tôt pour en tirer un bilan complet, le large mouvement social du printemps 2003 a révélé l’immense chemin parcouru par la CNT depuis novembre-décembre 1995. Nous émergions alors à peine, et c’est seulement dans les universités que nous avons participé au mouvement de manière décisive. Nous étions présents sur d’autres fronts, mais surtout de l’extérieur. Le mouvement du printemps 2003 a démarré sur la fronde de l’Education nationale, qui durait déjà depuis plusieurs mois. La lutte des emplois-jeunes et des surveillants, dans laquelle nous avons eu un rôle central dans plusieurs régions, a débuté dès la rentrée scolaire 2002. Le développement du puissant mouvement de l’Education nationale, initié dès avril, voire mars, s’est fondé sur les assemblées générales d’établissements en lutte et sur la recherche d’une convergence interprofessionnelle, dès mai. Là encore, notre rôle fut essentiel dans plusieurs régions, grâce à notre implantation construite ces dernières années, dans la foulée de 1995. Dans la culture, c’est également là où nous étions le mieux implanté (BNF, La Villette, la Cinémathèque...) que la participation au mouvement a été la plus forte. Les camarades du spectacle (en particulier intermittents) ont mené des actions déterminantes, liées à la renégociations des annexes 8 et 10 (indemnisation chômage). Mais il n’est pas l’objet ici de faire un catalogue : la révélation essentielle est que nous existons réellement maintenant comme syndicat, dans de nombreuses branches. Que notre présence dans d’autres branches, où nous ne sommes pas encore suffisamment influents, nous a au moins permis de propager largement l’information sur le mouvement et notre perspective propre (commerce, presse, métallurgie...). Et que, là où nous avons joué un rôle essentiel, le principe d’organisation était l’assemblée générale souveraine des travailleurs, l’élargissement et la convergence des luttes. Ce qui s’est fait le plus souvent dans de très bonnes conditions avec la base d’autres syndicats, et d’exécrables relations avec les bureaucraties, dont l’objectif a, semble-t-il, été de freiner le plus possible l’extension du mouvement pour en garder le contrôle absolu.

 

 

 

Nota bene : ce document (à l’exception des chapitres IV et V qui sont extraits du site web de la CNT)

est une version modifiée (par un militant CNT) d’un texte produit par un militant AIT.

 



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